Unbelievable 077062/2014, mais vraie…

On ne sait parfois où placer la barre dans notre sélection de fin d’année, et il est assez rapide de donner des excuses à des voiliers qui, il faut le dire, n’auraient normalement pas leur place dans un vrai colombier de jeu. Certains pigeons, par leurs prestations répétées nous montrent que «mieux» est réalisable, et à quel point nombre de prestations sont trop modestes aux vues de ce qu’il est possible de faire avec deux bonnes ailes servant une tête dotées d’un «GPS» de bonne facture.

La 077062/2014 de Philippe Beau de Couhé (86) est de ces voiliers qui nous montrent une certaine réalité, cette «bête à rêves» vient d’engranger sa deuxième victoire de suite sur Assen MCGC après un podium 2017. Incroyable.

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Suspense

En 2018, le classement provisoire de l’excellent site Pircube, ne donnait pas la victoire à la 062. Il avait fallu attendre quelques jours plus tard le classement officiel, basé sur des heures de neutralisation plus adaptées pour que cette incroyable boule de plumes passe alors finalement devant le super yearling 97149/17 de Thibault Enguerrand qui était, lui, arrivé le soir-même, à précisément 21h36 pour 801 km ; une sacrée performance aussi. Avec une officialisation à 6h50 pour 875 km, la 062 damnait donc le pion à toute la concurrence pour engranger sa première victoire sur Assen. Nous étions déjà éblouis par sa performance, car une année avant cette victoire, elle était montée sur le podium de la zone marathon du « Assen MCGC », qui avait été aussi très sélectif. Cette performance paraissait déjà alors comme un réel exploit. Notre compère avait alors évoqué la possibilité, selon les conditions météorologiques de ré-engager sa 062 en 2019. C’est ce qu’il fit, et, pour ne rien vous cacher, la présence dans le « Assen 2019 » représentait un match dans le match en soi pour ma part. Allait-elle être capable de réaliser une belle performance, voire de ré-éditer l’exploit. Un tel oiseaux mérite qu’on le suive dans les classements. Il fallait déjà qu’elle rentre, ce qui n’est jamais joué, nous l’apprenons parfois à nos dépends. Comme les deux années précédentes, le vent contraire était de la partie, cette édition s’annonçait des plus corsées.

Le soir même, aucun pigeon de la zone marathon n’a pu regagner ses pénates. En zone fond, Philippe Gauthier de Sens, vainqueur global Assen 2017 d’un déroulement similaire, a eu la joie d’ouvrir le bal, avec un voilier à 18h58 pour 588 km, bon pour une vitesse de 854 mpm, suivi à 20h02 par un second pigeon, hors du seuil des 800 mpm. Jacques Sicot de Montargis touche lui un oiseau à 21h34 pour 648 km, lui aussi en dessous des 800 mpm. Ensuite, silence sur les constateurs jusqu’au lendemain, laissant l’espoir pour Philippe Gauthier d’une nouvelle victoire globale. Espoir qui ne sera pas perdu par l’ouverture du bal des constations faite dès 6h52 par Alain Charbonneau de Sainte Maure pour 790 km, bon pour une vitesse de 846 mpm. Il sera la seule constatation en zone marathon avant 8h06, ce mardi matin 30 juillet, heure à laquelle l’ami Philippe Beau a pu commencer à respirer un peu plus librement. Il venait en effet de voir «tomber» son incroyable 077062/14 sur l’épreuve 2019 du « Assen MCGC », et, comme les deux années précédentes, elle était à la toute tête de la course.

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Les annonces Pircube ne lui donnait toutefois pas la victoire, qui semblait bien pouvoir à nouveau arriver dans l’escarcelle de Philippe Gauthier. Il a fallu attendre donc plusieurs jours pour que la deuxième victoire de la 077062/14 soit officielle. J’écris deuxième et non pas seconde, car l’histoire n’est peut-être pas terminée, et il se peut bien que 2020 voit à nouveau ce phénomène marathon s’envoler depuis Assen… selon la météorologie 2020. On en arriverait presque à délaisser son colombier le lendemain d’Assen pour aller voir un tel prodige tomber chez Philippe Beau, et avoir l’honneur d’admirer une telle femelle, car, de tels oiseaux, sont des biens précieux à contempler, des exceptions, rares parmi les perles rares.

Trouvez ci-dessous un rappel des arrivées des 3 dernières éditions du « Assen MCGC », et des classements réalisés par cette inqualifiable femelle :

Assen 2017, lâché 9h15 : 1er prix zone marathon emporté à 901 mpm - 1 seul pigeon au-dessus de 800 mpm (8h29 pour 828 km) ; 077062/14 : 3ème zone marathon (499 p) : 12h17’37 pour 875 km (en dessous 800 mpm) - 4ème Assen global 606 p.

Assen 2018, lâché 6h25 : 077062/14, 1er / 598 p, 881 mpm à 6h50 pour 875 km (2ème pigeon 097149/17 de Thibault Enguerrand à 21h03 pour 801 km – 879 mpm, 3ème à 7h11 pour 827 km - 815 mpm)

Assen 2019, lâché à 7h30 : 077062/14, 1er / 546 p, 869 mpm, à 8h06 pour 876 km (2ème pigeon 204082/14 de Joël Choteau à 9h22 pour 926 km – 854 mpm, suivi pour la zone marathon du 295419/16 de Joël Videau, 9h37 pour 932 km – 848 mpm).

Notre ami est sûrement abonné aux choses sortant du commun, car, si peu de gens peuvent se targuer d’avoir passé dans leurs installations un phénomène comme la 062/14, peu d’amateurs peuvent également s’enorgueillir d’avoir été champion du monde colombophile. C’est pourtant aussi le cas de Philippe Beau, champion du monde en Roumanie en 2015. Ceci n’était pas arrivé depuis 15 ans pour un Français, avant cette magnifique performance, ce n’est pas rien quand même, chapeau. Vous pouvez trouver un petit film réalisé pour l’occasion sur «You tube» si vous aimez surfer sur le web, comme l’on dit.

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Position adéquate

La 077062 est jouée au naturel. Chacun sait que pour ce type de jeu, les pigeons ont une position idéale, qui les fera se dépasser pour, s’ils en ont la qualité, créer l’exploit. Pour la 062/14, l’adrénaline est à son comble sur des jeunes de 2-3 jours. Depuis 3 années, la chose est calée, elle part dans les paniers du MCGC sur cette position. Rétrospectivement, on ne peut que penser que le choix est adapté, car faire mieux ne serait simplement pas possible.

Comme ses collègues de colombier, elle avait été séparée vers le 7-8 août 2018 pour les vacances et avait ensuite élevé 2 jeunes en novembre. Elle a ensuite été, comme les autres, ré-accouplée en avril 2019 pour attaquer la saison. Les pontes, suivies de couvaison, d’éclosions de jeunes, se sont succédées tout le long de la saison. A chaque fois, les petits jeunes ont été sacrifiés au retour pour que suive une nouvelle ponte, couvaison, etc. A noter que la 062 a perdu, pendant la saison, son mâle donné en entame de saison et a donc été obligée d’en reprendre un autre, ce qui n’a pas semblé la perturber.

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Notez que Philippe n’a seulement pas passé les œufs sous des éleveurs ; ça peut paraitre impensable pour nombre d’entre nous, mais c’est comme ça. Il n’a pas d’arrière-pensées avec ses pigeons autres que de prendre du plaisir. Cependant, si la miss 062 y retourne l’an prochain, elle aura un mâle adapté et les jeunes finiront sous des éleveurs, il ne faut pas trop tenter le diable parfois, des comme celle-là, on n’en passe pas beaucoup dans une vie… si on a déjà la chance d’en passer une.

Trouvez, ci-dessous, les résultats 2019 de cette fameuse 062/14, suivi de son palmarès au niveau MCGC à l’issue de la saison 2019 :

05/05 Lorris (250 km) : 35/1099 p Fed ; 12/05 Sens (317 km) : 20/870 p Fed ; 25/05 - Troyes (368 km) : 13/721 p Fed ; 02/06 Toul (507 km) : 133/667 p Fed ; 07/07 Sarrebourg (582 km) : 29/357 p Fed ; 29/07 Assen MCGC : 1er/ 546 p. Total 2900 km-prix, 4 prix par 10, 1 par 100.
1er Assen MCGC 2019 ; 1er Assen MCGC 2018 ; 4ème Assen MCGC 2017 (3ème Zone marathon). 1er As pigeon 3 ans (17-18-19) ; 1er As Assen 2 ans 2019 (18-19) ; 1er As Assen MCGC 2 ans 2018 (17-18).


Les soins

Ils n’ont pas varié depuis 2018. Malgré un essai des mélanges Teurlings cette année sur une partie des voiliers, la 062 a, elle, été maintenue sur le système de nutrition et de compléments de la firme Beyers, qui donne satisfaction.

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Hors saison de jeu, le mélange est adapté à la saison : mue, élevage, hiver. Pendant la mue et l’élevage, les pigeons sont nourris à volonté. Pendant l’hiver par contre, les mois précédents la saison (février-mars), le «dégraissage» des voiliers commence, avec 2 repas de 15 grammes par jour.

Pour la saison, les voiliers sont ensuite nourris au «sport light» avec, les derniers jours du «sport Galaxy». Cet apport est modulé suivant le vent annoncé, et donc l’effort que les pigeons auront à fournir. Il serait contre-productif de trop charger les réservoirs avec du carburant inutile au trajet retour. Quand la distance allonge, et selon le vent contraire annoncé, est rajouté aussi du «sport Energy Galaxy» ou/et du mélange « Energy». Le «Longue distance TT» est fourni pour les longues distances, additionné d’ «Energy». Excepté en fin de préparation, où il faut charger les soutes, le reste de la semaine, les pigeons sont rationnés. En sportifs de haut niveau qu’ils sont, ils ne peuvent être gras.

Les traitements commencent en début de saison par une trilogie «Vers-trichomoniases-coccidioses».

Ensuite, suivant les conditions météorologiques vécues par les voiliers (notamment humidité), seront réalisés lors des retours de courses à 2 nuits de paniers (tous les 15 jours) un rappel «tricho-coccidiose».

Voilà, simple, mais efficace. Professionnel avisé, Philippe Beau fait confiance aux professionnels de la partie ; on ne peut lui donner vraiment tort à la lecture du résultat.


Retraite bénéfique, amitié

Depuis 3 ans, notre champion goûte aux joies d’une retraite bien méritée. Ceci lui laisse plus de temps pour gérer correctement ses voiliers, les observer. Il se plait maintenant à découvrir en eux des traits auxquels il n’avait pas avant le temps de prêter attention, comme l’intelligence, qui peut, si l’on y prête un peu attention, transparaitre de l’attitude de nos voiliers, de l’expression qu’il s’en dégage. Ceci est tant un critère de plus dans la sélection, qu’un plaisir à observer… si on en a le temps.

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L’absence d’activité professionnelle donne aussi la possibilité à notre ami de prendre la voiture et d’entraîner ses voiliers en semaine. L’entrainement est une des clés de toute activité sportive, la colombophilie n’y échappe pas. Il a donc, en compagnie d’un ami, été en Allemagne chez la firme Géraldy pour investir chacun dans une remorque d’entrainement.

Outre le plaisir de réaliser ses entrainements avec du matériel de bel qualité, il apprécie beaucoup les qualités d’aération, de suspension et de fonctionnalité de son investissement. Assurément un sacré plus pour la pratique de notre sport, passion que ne serait pas si bien vécue s’il n’était pas en contact avec l‘ami sus-cité, qui n’est autre que Philippe Haquette, auteur d’une magnifique 3ème place sur Assen 2016 avec son joli mâcot 256/12. Nos deux compères, qui savent tous deux ce que la vie peut réserver comme épreuves, et la fragilité de celle-ci, partagent une belle amitié autour de leur passion commune pour les voiliers de course. Un plaisir qui, à n’en pas douter bonifie de façon importante leur passion ; pour leur plaisir commun, ils se sont trouvés.


Bagues GPS

Dans l’article 2018, j’avais abordé certaines constatations qu’avait faites notre ami suite à l’utilisation de bagues GPS sur ses jeunes. Ses constatations, si elles ne peuvent avoir de valeurs scientifiques pour cause de protocole adapté et de nombre d’expériences suffisantes, n’en sont pas moins très instructives. Vous avez peut-être, comme moi, été témoin d’une affirmation de certains amateurs chevronnés selon laquelle les pigeons reviennent chercher «leur ligne», entendez par là qu’ils reviennent chercher une ligne de vol sur laquelle ils ont eu l’habitude de voler, que ce soit suite à des entrainements répétés ou une ligne habituelle de retour de course. Alors que l’an passé, les essais de bagues «GPS» avaient été réalisés sur des jeunes, cette année 2019, des yearlings ont eux aussi été équipés. Notre ami s’est aperçu ainsi, que, alors qu’il entrainait sur une ligne plus à l’est, les pigeons équipés, sur les premières courses, ont suivi la masse et été emmenés plus à l’ouest. Emmenés donc par la masse plus à l’ouest que leur ligne optimale de retour, ils n’ont pas coupé à travers pour revenir vers leur colombier, mais sont revenus chercher une ligne de vol plus à l’est, sur laquelle ils avaient été précédemment entrainés, perdant ainsi un temps précieux. En attendant de futures observations, pour 2020, si vous entrainez vos voiliers régulièrement (ce qui ne semble pas dépourvu d’intérêt) du même endroit, peut-être sera-t-il de bon ton que celui-ci soit situé sur une ligne en concordance avec la ligne de vol retour escomptée. Merci Philippe pour ce précieux conseil.


Merci aussi d’avoir engagé cette merveilleuse 077062/2014 qui, par cette nouvelle victoire, a ouvert dans nos têtes de passionnés de voiliers marathon une dimension supplémentaire d’exploits possibles. Prenons-nous à rêver d’une édition 2020, où, aux aurores du lendemain d’Assen MCGC s’affichera, sur Pircube, l’annonce de l’arrivée de ce matricule connu maintenant de tous : 077062/2014.


David Chassagne, novembre 2019