« Hambourg Man »


Il aurait été dommage et peu réjouissant de ne pas le voir aux avant-postes sur cette course, car ceci représente pour lui assurément un objectif quasi vital, qu’il attendait depuis 5 longues années. Nul besoin de me retourner ces dernières années quand était lancé le mot «Hambourg» sur mon passage ; il était là, las peut-être aussi, à attendre frénétiquement que les portes des paniers jaunes du MCGC coulissent enfin, et libèrent depuis Hambourg ses voiliers marathon.

Cristian Boros, notre «Hambourg man» a enfin pu voir tomber ses voiliers de ce «1000 bornes» tant espéré, et il n’a pas défailli, en marquant de son sceau le premier opus du marathon des marathons de nos régions.

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Un fanatique du Marathon

Cristian Boros, est venu de sa Roumanie natale pour trouver en France une vie meilleure et surtout du travail, car l’homme n’est pas du style profiteur, s’il vient, c’est pour bosser et avancer. Se plaindre, se trouver des excuses, n’est pas son genre. Mordu comme il est par le pigeon marathon, il a la même vision pour ses voiliers que pour lui. Pas d’excuses, du résultat acquis par le travail. Des mentalités comme ça, même s’il faut bien avouer que c’est lourd quand vous n’avancez pas assez vite à son goût, ça fait plaisir et ça se respecte par les temps qui courent.

Pour lui, le pigeon doit voler. Sa référence : les marathoniens de Roumanie avec 3 prix à plus de 1000 km par saison, alors pensez donc s’il a tapé des pieds ces dernières années le temps que nous soyons prêts à lancer l’aventure. Il aurait fini par repartir en Roumanie, ou au moins arrêter de jouer en France. Suite à sa victoire sur Osnabrück 2017, où son 043256/15 fut le seul du contingent rentré le soir même (21h21 pour 913 km), nous avions échangé lors du contremarquage de Assen 2017. Il était bien justement heureux de cette magnifique victoire, alors je lui lançais une boutade du genre «veux-tu que je le lâche plus tôt que les autres pour gagner aussi Assen» (désolé, chacun fait les blagues qu’il peut), il me fit une réponse à la Cristian Boros : «non, lâche après les autres, que je vois s’il peut les battre quand même». Ne parlez pas à vos voiliers d’un transfert de fin de saison dans le colombier de Cristian, ce «mercato» ne sera pas une bonne nouvelle pour eux, car le garçon ne fait pas dans la dentelle pour souffreteux.


Hambourg 2019

Ça y est, il tient son Hambourg. 1054 km, un vent à décorner les bœufs, là vous lui donnez le sourire. Plus qu’aux voiliers, car l’épreuve n’aura pas été une affaire de tendresse ; qu’importe, cette année, il n’aura pas l’air ridicule en retournant «au pays».

Tenu malgré lui par le règlement imposant des pigeons de minimum 3 ans, il n’a pu y engager «que» 9 oiseaux. Il y en a qu’il faut pousser pour avancer, d’autres qu’il faut plutôt freiner, c’est comme ça, et, avec notre ami, il faut plutôt du câble de frein bien calibré.


Rentrées au top

Parmi ces 9 pigeons, Nessa, 201297/14, bien connue sur l’étape de Assen les années précédentes (ea 6ème Assen 18, 3ème As Assen 17-18), sera la première à toucher la trappe de retour de Hambourg, à précisément 15h19’55’’. Lâchée depuis la veille à 6h55, elle finira 3ème du classement, c’est vous dire si les 1054 km qu’elle vient alors de franchir furent une partie de plaisir.

Il faudra encore attendre plus d’une heure, pour que le 474117/16 déclenche le constateur, à 16h34. Il raflera ainsi le 5ème prix. 7 petites minutes après, à 16h41, le 043256/2015 touche la trappe. Parti premier marqué, il empochera ainsi la 6ème place de Hambourg 2019. Ceci fait suite cette année au 33ème prix de Osnabrück, ainsi, que, souvenez-vous, le 1er prix de Osnabrück 2017.

L’attente sera encore un poil longue pour voir débouler le 1064901/16, qui, avec une officialisation à 19h18, boucle encore le 10ème prix du concours. Le soir-même du lendemain du lâcher, alors que seuls 15 pigeons du contingent de 167 ont pu rejoindre leurs pénates, notre champion en a 4 de 9 engagés dans leurs casiers, avec cerise sur le gâteau, 4 top 10.

Deux pigeons supplémentaires viendront embellir le tableau le lendemain, avec le 095072/16 à 8h21 et le 040370/16 à 12h58, respectivement bons pour les 18ème et 25ème prix.

Au final, Cristian obtient ainsi les prix suivants : 3, 5, 6, 10, 18, 25 / 167 p soit 6/9 pour 1054 km.

Ce type de constatation, issue d’une colonie résolument tournée vers les marathons apporte indéniablement un certain crédit au déroulement d’une telle course, avec une rentrée des plus correctes en régularité, vue la distance. La faiblesse numérique du contingent, qui doit, il faut le rappeler, se répartir sur un tiers central de la France métropolitaine, éloigne tout rêve de voler en grosse formation pour économiser ses forces, mentales et physiques. Il faut un quota de qualités au-dessus de la moyenne à chaque voilier pour prétendre être présent sur la feuille de résultats. Les statistiques en témoignent d’ailleurs : quasi 1/3 des pigeons de la première feuille (10/33 prix) sont des 1ers marqués, tandis que 16 de ces 33 valeureux pigeons sont partis parmi les 2 premiers inscrits (moyenne de 4,51 engagés par amateur).


La colonie

7 couples de reproducteurs forment l’épine dorsale de la colonie de Cristian. Ces oiseaux sont issus d’origines en adéquation avec le but unique visé : les marathons. Ainsi vous retrouvez des Jan Aarden (NL), Hugo Batenburg (NL), Wanroy (NL), Martha van Geel (NL), Ad Fortuin (NL), Ko van Dommelen (NL), Jelle Jellema (NL), dernièrement René Landais (F) et enfin Joël Choteau (F), un de nos plus grands spécialistes marathons, qui prodigue à Cristian de précieux conseils.

Ces reproducteurs vont fournir, aidés par les meilleurs voyageurs, une cinquantaine de jeunes par an.

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Management

Les yearlings, comme les vieux, soit selon les saisons entre 20 et 30 couples sont joués au veuvage total.

Avant et après la saison, ils doivent élever une paire de jeunes.

En début de saison, les voiliers sont engagés autant que possible, ils feront souvent 3 courses de vitesse, suivi de 2 de demi-fond, des 2 fonds (505 et 610 km), avant de pouvoir aborder 2 épreuves de sélection.

S'il n’est demandé que de rentrer aux yearlings, par contre, ensuite, les choses se corsent substantiellement : faute de pouvoir enloger toute l’équipe sur Nijkerk, les voiliers doivent participer à 2 marathons l’an, soit Osnabrück + Assen, ou maintenant également Osnabrück + Hambourg. Rentrer ne suffit plus alors, il faut faire 2/2 pour rester. L’idéal est même plutôt de faire 2/2 auparavant sur les courses, 2 courses de fond faites en préparation, 505 et 610 km. Mais bon, il reste bon prince, et 2/2 en marathon suffit pour l’instant.

Les couples ne se retrouvent qu’au retour, pas pour l’enlogement : les pigeons doivent partir aussi calmes que possible.

Les volées sont faites autant que possible matin et soir, 1 heure par sexe. En général, quand arrive la bonne période, entendez que les marathons se profilent à l’horizon, 3 entraînements sont prévus par semaine, le soir, entre 30 et 60 km selon le temps disponible et dans un créneau horaire situé entre… 21h30 et 22h30. Ceci pour stimuler des rentrées nocturnes ou les arrivées matinales lors des courses visées. Ça ne rentre pas toujours comme prévu des entraînements, et parfois, les voiliers ne déboulent que le lendemain, avec, pour certains une blessure, mais c’est un choix assumé.

Je vous apporte quand même une petite précision pour les yearlings, que vous finissiez de cerner le personnage : il leur suffit effectivement de rentrer, mais des 2 engagements marathon qui leur sont ouverts, à savoir Osnabrück (913 km) et Assen (861 km). Par contre, si faire prix n’est pas absolument demandé, il leur est demandé une certaine fidélité : rentrer dans un autre colombier est éliminatoire, c’est sans appel. Le «Club Med», ce n’est pas là.

Pour lui, il ne faut pas se plaindre, mais sélectionner quoi qu’il arrive, ça passe ou ça casse. Il ne faut pas se retrancher derrière des excuses, ceci étant valable autant pour l’amateur que pour ses oiseaux.

Trouvez ci-après sa constatation sur Osnabrück 2019 (913 km) : 4, 6, 15, 27, 33, 39, 44, 47, 56, 57, 69, 78, 83 / 481 p (13/29).


Soins, traitements

Côté nourriture, de bons mélanges du commerce sont donnés. La semaine du retour, les pigeons ont du dépuratif, pour bien épurer leur organisme suite à l’effort fourni. Sur ce temps crucial du retour pour faire récupérer au mieux ses voiliers, il donne du glucose, des électrolytes et du Tollyamin (acides aminés, vitamines).

Ensuite selon la condition dans laquelle ils arrivent, sera donné du mélange léger genre «Gerry plus», D’autres produits, selon la sensation qu’il a de la condition dans laquelle sont ses pigeons, seront ajoutés pour les soutenir. Il procède souvent par des essais, pour voir si ces différents produits font vraiment une différence au niveau de la condition des voiliers. Si aucun «plus» n’est constaté, l’expérience n’est pas renouvelée. Tous ces compléments coûtent chers, ce «qui ne sert à rien» n’a pas lieu d’être acheté.
Les derniers jours pour préparer l’épreuve suivante, du mélange sport s’installe dans les mangeoires. Ils peuvent alors manger à volonté, et régulièrement leur est rajouté de la nourriture pendant la journée.

Des cacahouètes sont alors aussi au menu.

La préparation à l’enlogement, outre les apports via la nourriture, est complétée par certains produits utilisés la dernière semaine, tels que «Euro 200» (récupération, force), «Karmine», «K+K», «Protéines 3000», etc.

A noter que ces différents produits sont utilisés par Cristian à des fins de donner, outre une récupération optimale, un surplus de force et d’endurance pour les épreuves qu’ils seront amenés à affronter. Cependant, il se méfie des apports vitaminés, voir purement énergétiques, pour lui plus destinés aux voiliers de vitesse et demi-fond et qui surtout pourraient déclencher et/ou accélérer la mue, crainte par tout amateur de longues distances.

Côté traitements, les pigeons seront, suite à la saison, traités contre le paratyphus puis vaccinés. Avant les accouplements de début de saison, ils seront également traités contre les vers, la coccidiose, la trichomonose et les voies respiratoires.

Pendant la saison, en alternance toutes les 3 semaines, des rappels contre la trichomonose et les problèmes de voies respiratoires sont effectués. La coccidiose n’est, elle, par la suite, traitée qu’une seconde fois dans l’année suite au traitement d’entame de saison.

Ce n’est pas «du grain et de l’eau», mais qui croit encore ceci ? Cristian n’a rien à cacher, lui, ce qu’il veut, c’est jouer des marathons, former des équipes de «durs à cuire» pour briller dans ces épreuves. Il attendait depuis 5 ans la mise en place de Hambourg, trépignait tel un enragé à l’idée que cette course ne puisse être installée plus tôt. Cette saison 2019 aura enfin vu son rêve ou tout au moins une partie, se réaliser avec les 1054 km qu’ont dû se coltiner ses voiliers pour retrouver leur colombier.

Il était pour moi le futur vainqueur tout désigné de ce premier opus tant son mental était axé sur ce type d’épreuves et que son équipe avait déjà montré qu’ils n’avaient d’autre choix que de faire plaisir à leur patron. Les choses ont pourtant pris une autre tournure. Pas si éloignée car, non seulement il monte sur le podium de l’épreuve, mais il réalise une magnifique constatation à faire pâlir plus d’un détracteur de telles épreuves. Il montre ainsi de belle manière que constater convenablement un «Hambourg» très sélectif est non seulement possible mais logique si l’on s’en donne les moyens. Comme toujours, ce n’est ni de la chance ni du hasard, mais de l’investissement et du travail.

Cet exemple, car s’en est réellement un, devrait aider nombre «d’observateurs» jusque-là encore hésitants à se lancer dans l’aventure des marathons, pour un jour, souhaitons-leur, réaliser le rêve «magique» de tenir dans leurs mains fébriles leur premier pigeon de retour en tête de Hambourg, à 1000 km de leur jardin. Qui ne peut envier une telle chose ?

David Chassagne, décembre 2019