Je ne suis pas un adepte de la star mania, même s'il est toujours très intéressant de pouvoir rencontrer un personnage ayant défrayé la chronique par ses exploits colombophiles. Mais là, quand Johann et Fabian Wendel m'ont proposé de faire un tour au 17 Ermerveen, j'ai répondu à Johann : tu parles bien du Gérard Koopman auquel je pense ??? Oui, il parlait bien de celui-ci, le plus célèbre amateur néerlandais de par le monde, LE Gérard Koopman.

entree lieu legende

Entrée d'un lieu de légende...


S'il est connu pour ses résultats fracassants depuis plusieurs dizaines d'années, le nom de Koopman est aussi associé depuis peu d'années à de très bons résultats en catégorie Marathon.


A coup sûr, la grande armada...


Laissons de côté le demi-fond, c'est de marathon que je veux résolument vous parler. Au milieu de LA colonie du nord des Pays Bas, nous pouvions nous attendre à la grosse artillerie. Mais loin de tous mes préjugés, c'est une petite colonie de grand fond qui évolue ici. Les effectifs de grand fond sont réduits à environ 5 couples de reproducteurs et une quarantaine de pigeons pour participer aux joutes nationales et internationales. Vous avez bien lu, et croyez moi ou pas, mais le reste du reportage est pour certains éléments du même ordre, à l'opposé de ce que j'attendais....c'est aussi là que l'on comprend pourquoi il est champion.


Origines


Il est toujours instructif de voir comment un homme tel que lui a fait pour s'équiper en pigeons : il n'est pas par hasard au sommet depuis une trentaine d'année, et voir comment il a fait pour se lancer dans cette catégorie ne peut que nous amener un élément important de réflexion. Pour lui, en fait il s'agit de cibler des amateurs susceptibles d'avoir ce qu'il recherche : le top. Bien sûr, nombre de colonies peuvent répondre à cette attente, aussi, il faut ensuite se fixer sur certaines personnes et aller chercher la bonne lignée. Quand il parle de la bonne lignée, ce n'est pas l'arrière petit cousin de l'oncle du neveu... le nom en bas du pedigree, il s'en moque. Ce qu'il recherche, c'est le courant sanguin capable de reproduire des champions. Ceci correspond au pigeon champion lui-même, à ses parents, ses enfants, ses frères/sœurs, mais pas plus loin. Si ceci n'est pas accessible, alors mieux vaut jeter son dévolu sur une autre lignée. En parlant de lignée, notre homme n'est pas un fanatique de conserver telle ou telle souche comme un joyau, il préfère tester, effectuer une certaine consanguinité quand il a trouvé un courant sanguin qui allait bien et introduire chaque année un ou deux sujets pour bonifier et conserver la capacité de créer des champions.


De la même façon, il est instructif de voir la comparaison de notre homme à ses pigeons de plus courte distance : il ne veut pas un pigeon qui arrive 2 minutes après, il ne veut rien d'autre que le pigeon qui joue la gagne, celui qui arrive plutôt deux minutes avant les autres, le reste n'est juste pas valable. Attention, il ne parle bien entendu pas de pigeons qui font cela une fois : ce pourrait être un coup de chance. Non, il parle de pigeons capables de répéter les prestations de haut niveau 2,3,4,5 années de suite ; alors là, oui, son attention est attirée et il se met en chasse de l'animal.

 

red bullense dans les mains

Le "Red Bullens" en personne dans les mains


Pour se monter, voici quelques années il a contacté Jan Hermans, pour introduire du bon matériel ; les Herman-Hoekstra et les Derauw-Sablons(lignée du « Dromer ») ont notamment bien donné. Le résultat est venu de suite, avec des pigeons comme « Miss waalre » (1er / 1334 St Vincent ; 1er / 1835 Ruffec...), « Antje » (1er / 3680 Bergerac ; 1er / 5239 Limoges...) ou encore « Miss Maniwan » (1er / 25807 St Vincent).

Dernièrement, il a voulu s'équiper à nouveau et a jeté son dévolu sur un fabuleux pigeon de J. Bullens. Le « Red Bullens » est ainsi arrivé à Ermerveen ; ce joli écaillé rouge avait remporté les résultats suivants : 1er / 4288 NPO Bergerac 2011, 2ème / 5038 NPO Bordeaux 2008, et 2ème / 4651 NPO Bergerac 2010. On peut faire plus mauvais il est vrai....

Il est aussi allé voir le maître incontesté du grand fond européen de ces dernières années, Ko Van Dommelen, pour introduire de sa souche si prolifique en champions ; il en est revenu avec une sœur du fameux « Paarsborst », le frère de nid d' « Oliebontje » et une fille du « Bulldozer »...

Pour finir, les extraordinaires Noël Peiren sont également à l'essai et devraient, d'ici peu, faire parler la poudre dans le nord Hollandais.

 

voliere reproducteur et pigeons a vendre

Volière de reproducteurs et pigeons à vendre, sans toit pour la journée

 

Autre chose concernant la catégorie « achat et introduction » : la main, il s'en moque ; bien sûr, il a ses préférences de qualités ressenties à la prise en main, mais, celui qui lui plaît le plus reste le même : le bon pigeon, et ça, aucune main ne le détecte. Imaginez pourtant un instant ce que les 10 doigts pendus au bout des bras de ce crack ont bien pu palper comme supers pigeons...

Gérard Koopman, n'a pas non plus cherché à introduire du top grand fond puis à amener une pointe de vitesse via ses pigeons très performants sur les 700 km. En homme réfléchi et posé, il ne pense pas mélanger les souches : chacun son boulot, chacun sa spécialité, sa spécificité plutôt devrais-je dire.
Pour lui, ces pigeons-ci ont un rythme propre, ils volent à une cadence plus lente ; les voir d'ailleurs arriver dans les prix avec ses pigeons de demi-fond n'est pas une chose concevable pour lui.

 

Nourriture, traitements et........ produits

Pour introduire ce paragraphe, il me parait primordial de bien vous rappeler ce qui a pu transpirer des lignes ci-dessus : la mentalité qui anime notre homme. Il ne croit qu'en une chose : le super pigeon ; le reste est pour lui du détail. Ceci ne l'empêche pas de rechercher ce qu'il y a de mieux pour ses oiseaux, et les amener à réaliser leur optimum performance. « Ah, enfin les produits ! » allez-vous dire, le truc, il va me le dire hein !!! Vous devez vous dire aussi, qu'il doit les charger comme des mules ses voiliers le Gérard !!!
Je vous donne de suite un élément de réponse : la nature ; notre champion est un observateur. Et, ce qu'il observe est autour de lui ; la méthode du plus grand éleveur au monde : Dame Nature.

Vraiment différent de ce que je pouvais imaginer en franchissant le portail automatique. Loin de toute pub pour ses propres mélanges, et compléments, c'est un message de simplicité que je peux vous transmettre. Les voiliers ont, ici, droit à la mangeoire pleine à longueur de journée. Dans la nature, il est vrai que les pigeons ne sont pas rationnés ni ne mangent à heure fixe ; il ne lui paraissait dès lors pas logique de faire ceci avec ses « grand fond » (je ne vous parlerai pas des demi-fond, ils n'ont été l'objet d'aucune de mes questions) ; c'est donc bac plein toute la journée. Le mélange proposé est changé deux fois par jour lors de la rentrée des pigeons des volées quotidiennes. Un autre de ses postulats important est que le pigeon sait ce qu'il lui faut, donc il doit pouvoir choisir ce qu'il veut dans le bac mis à disposition. Ce n'est pas le mélange le plus cher qui est donné. Il trouve d'ailleurs dommage d'acheter un super mélange et de rationner les pigeons, si bien qu'au final, ils soient un peu carencés malgré un très bon aliment. Un produit correct est donc suffisant, auquel il ajoute quelques cacahouètes, tout au long de la saison. Les derniers jours avant une course importante, rien n'est apporté de plus. Pour Gérard Koopman, les tous derniers jours, il est trop tard pour combler un manque en nutriments, les valises se remplissent lentement mais sûrement sur le long terme et de façon continue. Idem pour le retour, même mélange à volonté.

 

johann fabian gerard pleine discussion

Johann, Fabian Wendel et Gerard Koopman, en pleine discussion

 

Ceci nous amène à un des éléments fondateur de la « méthode » Koopman : ne pas faire un truc parce que tout le monde le fait. Il faut faire les choses parce que vous y avez réfléchi, et que ceci revêt pour vous des éléments logiques, susceptibles de vous apporter un réel avantage.

Une illustration de cet ordre de pensée : vous devez comme moi donner de temps à autre un produit tel que le vinaigre de cidre dans l'eau de boisson de vos pigeons ; peut-être comme moi, versez vous cette mixture selon votre bon vouloir dans l'eau de vos protégés. Non, vous êtes plus sérieux que ça, vous faites le truc bien, 1 cuillère à soupe virgule machin par litre d'eau. Très bien, alors vous allez comme moi voir pourquoi, comme moi, votre nom n'est pas connu de par le monde : Monsieur Koopman, lui, quand il met du vinaigre de cidre dans l'eau de ses pigeons, c'est dans un but bien précis : acidifier l'eau de ces oiseaux pour en tirer bénéfice sur leur santé. Il recherche donc par cette utilisation un pH égal à 6 (neutralité=7). Il ne met donc pas une dose pré-définie de vinaigre par litre, ni ne verse à la volée selon son bon vouloir, mais évalue avec un papier pH l'évolution de son eau et verse ce qu'il faut pour obtenir un pH égal à 6. Le vinaigre de cidre va en effet impacter sur une eau variable en pH, qui nécessite donc une adaptation de la dose de vinaigre pour arriver au résultat escompté. Comme moi, vous n'aurez maintenant plus d'excuses pour faire n'importe quoi. Un MONSIEUR, tout simplement !!!

 

etage colombier de reproduction

Visite de l'étage du colombier de reproducteurs... pas mal !

 

Les produits, les produits !!!

Allez, je vous donne SON secret : vitamines une fois par semaine, et au retour des électrolytes, un point c'est tout. Le secret est ici : du super pigeon et une réflexion au-dessus des autres, pas plus.

Traitements

Là aussi vaste programme. Sans jeu de mot, notre ami Gérard a presque fait une réponse de normand ; revenons-en à nos traitements :
Notre champion suit à la lettre le schéma type de traitement établi par son vétérinaire. Il part d'un principe simple : le vétérinaire, s'il est un bon professionnel dans notre sport a plus de connaissances que nous, pourquoi alors ne pas suivre ses conseils et sa méthode alors que lui a le savoir, issu de nombreuses années d'études, que nous n'avons pas. Le tout est de trouver un bon vétérinaire ; pour cela, il suffit de regarder sa clientèle : si les champions y vont, alors c'est que c'est un bon. Allez, je ne garde rien pour moi, aussi je vous le dis, le vétérinaire en question est le réputé Vincent Schroeder.

Le vétérinaire est ainsi visité 2 à 3 fois par an, dont une fois avant la saison.

Anecdote

Voici quelques années, quand sont apparues les premières épidémies de maladies des pigeonneaux, Mr Koopman est allé consulter en urgence un vétérinaire spécialisé qui lui a simplement dit de ne rien faire sinon d'éliminer les malades (+/- 20 % des jeunes). Toujours dans le prolongement du raisonnement énoncé plus haut, la chose fut faite malgré, ce qui peut se comprendre, un certain mal au ventre ; ce bon vétérinaire lui, a perdu en ce temps bon nombre de clients, qui attendaient des produits miracles. Gérard Koopman, lui, a fait confiance à l'homme d'expérience, et ne le regrette toujours pas aujourd'hui. La différence entre le Champion et les autres est aussi dans ce type de raisonnement et de logique inspiré de bon sens. Un faiblard est éliminé, ici, comme dans pas assez d'endroits.

Management

Les vieux sont joués au veuvage total. Pour notre homme, le système est du détail, l'essentiel est d'avoir les bons oiseaux, le reste, est secondaire. Les couples sont parfois réunis avant une course, mais pas toujours, ceci n'est en aucun cas systématique. Au retour, les partenaires par contre restent 1,5 jours ensemble ; n'y voyez pas une quelconque façon de les récompenser pour les motiver, c'est avant tout un bon moyen d'éviter la formation de couples de lesbiennes.

Les pigeons volent deux fois par jour entre une heure et une heure et demie. Les tenir en l'air n'est pas une affaire d'état. Il n'est pas recherché de les faire voler tard le soir pour les habituer à voler la nuit ou au crépuscule. Le soir, assez tard, les pigeons s'entraînent plutôt mieux qu'en pleine journée, c'est tout (cette question émanait du système d'entraînement du Champion Jelle Jellema).

Les pigeonneaux sont éduqués via des entraînements personnels, une dizaine de fois, jusqu'un maximum de 300 km. Gérard Koopman aime élever, aussi, il fait chaque année nombre de tardifs ; le but est de trouver toujours la perle rare. Les tardifs ont à peu de chose près le même type d'éducation : lâchés tout l'hiver, leur éducation ne se fait que tranquillement en saison par des entraînements perso.

Les yearlings sont, eux, mis régulièrement au concours, et ne sont alignés que sur une seule course marathon.

Les vieux sont, par contre, enlogés entre 3 et 4 fois pour les marathons et doivent dès 2 ans faire leur travail correctement.

Petite précision quand même concernant cet amateur, il ne joue pas, comme l'essentiel des noms Hollandais connus en grand fond, au sud ouest de la Hollande, mais au nord-est, avec un surplus non négligeable de kilomètres et de vastes zones boisées à traverser...

 

Une légende, mais avant tout un homme bien

Rencontrer un tel homme n'est pas, pour le petit amateur que je suis une chose commune. Nous n'évoluons pas dans le même monde, son nom restera, à n'en pas douter, dans l'histoire colombophile mondiale, moi, je n'en fais déjà pas parti.

J'ai trouvé là un homme pourtant très gentil, simple et accessible. Un grand champion, vraiment. J'espère avoir pu modestement vous faire passer un peu de ce que ce grand champion m'a confié, non pas comme secret, mais comme raisonnement à avoir pour vous porter durablement au sommet de notre sport, ou déjà plus près d'un niveau de pratique colombophile plaisant.

Un grand merci aux champions Johann et Fabian Wendel de Assen (NL), qui ont initié cette visite pour me faire plaisir. Merci mes amis.

A Gérard Koopman, je renouvelle mes remerciements pour l'accueil et les conseils avisés, bon vent pour 2015,

David Chassagne, Août 2014