Le Marathon Club du Grand Centre a gagné son pari risqué en organisant, ce lundi 12 juin 2017, un contre-la-montre depuis Nijkerk (NL).
Les participants avaient des distances comprises entre 645 et 843 kilomètres.
22 passionnés seulement ont tenté le pari proposé par leur club marathon. C’est à la fois peu et à la fois pas si mal vu le challenge que ceci représente. Nos ‘petites’ régions ne sont pas habituées à jouer ces distances aussi tôt en saison ; que dire alors de se lancer pour un contre-la-montre dans ces conditions. Chaque amateur pouvait réserver une participation pour 2 pigeons qui seraient lâchés ensemble, à quelques minutes d’intervalle de ceux des autres concurrents, eux aussi lâchés séparément des autres.
Les pigeons ont été enlogés le vendredi soir 9 juin et placés en petit conditionnement par amateur pour pouvoir être ensuite plus facilement repris pour le contre-marquage et la mise en paniers pour le lâcher. Pour l’occasion, le marathon club avait sorti sa petite remorque dans laquelle les paniers avaient été pourvus d’une séparation centrale pour placer deux équipes, lâchables séparément depuis un seul grand panier. Une substantielle séparation en carton avait été aussi prévue pour que deux mâles locataires du même demi-panier ne puissent s’étriper jusqu’à l’usure.
Les pigeons sont arrivés finalement assez tard le samedi soir sur leur destination ; ils ont eu le temps d’être nourris et abreuvés lors de leur trajet en journée. La journée du dimanche s’est passée sur le lieu de lâcher, égayée par 3-4 séances de nourrissage ainsi que plusieurs changements d’eau du fait de la chaleur présente. La paille qui tapissait le fond des paniers fut incontestablement propice au repos des oiseaux qui se sont rapidement couchés dessus.
Le lundi, la météo favorable a permis de commencer les lâchers dès 6 h 05. Au vu du nombre de participants, il avait été décidé dans la semaine précédente de libérer une équipe de 2 pigeons toutes les 5 minutes, en commençant par les distances les plus éloignées.
Ce type d’épreuve, outre le côté « compétition », ne peut qu’être instructif sur notre sport ; restaient ainsi plusieurs inconnues concernant ce challenge :
Les pigeons allaient –ils se regrouper ? - pour beaucoup ceci était une certitude…
Les pigeons n’ont, excepté pour une équipe (qui finalement eut un pigeon de rentré le lendemain après-midi) pas tourné. Ils ont été hors de vue en un grand maximum d’environ trente secondes. Notez que le lieu de lâcher permettait une visibilité sur un bon 2 kilomètres vers le sud, même si l’on peut toujours modérer ces affirmations par le fait que voir deux pigeons devient vite compliqué quand ils prennent un peu de distance. Ce bon départ est sûrement à mettre sur le compte du fait que les pigeons aient été sur le site 24 heures avant, et qu’ils ont ainsi pu bénéficier de tout le temps qu’ils voulaient pour se repérer correctement. Au vue des 2 fusées qui, à chaque lâcher, s’élançaient vers le sud, on ne pouvait avoir de doute. De plus, la vitesse à laquelle les oiseaux sont partis dans la bonne direction laisse assez peu de chance pour une jonction à peu de distance du point de lâcher.
Deux pigeons d’une même équipe pouvaient-ils arriver en même temps à destination sans se séparer sur une telle distance ? - alors là, quasi mission impossible…
A notre grande surprise, les 2 pigeons de Mr Pierre Catez - 37 Sainte Maure (659 km pour Nijkerk) furent constatés le lendemain matin à 7h49’44‘’ et 7h49’46’’ soit avec 2 secondes d’écart 24 heures après le lâcher. La possibilité qu’ils aient pu ne pas faire route ensemble et arriver exactement au même moment le lendemain matin après un périple de 659 km (en ligne droite) paraît bien plus improbable que le fait qu’ils aient pu faire route ensemble sur cette distance, ce qui est aussi déjà assez hors norme. Le fait est cependant réel, ces deux oiseaux ne se sont probablement pas lâchés de tout leur parcours, avec, qui plus est, une nuitée dehors. Chapeau. A noter qu’un seul des deux fera prix, c’est dommage quand même, ils auraient bien mérité finalement d’être ensemble sur le résultat. L’écart le plus petit ensuite entre deux pigeons d’un même amateur est proche de 4 h30 (7h26’ et 11h49’), signifiant qu’une partie non négligeable du parcours a été fait indépendamment l’un de l’autre. Les écarts entre les autres coéquipiers sont ensuite au minimum du double de cette durée. Globalement, le fait que 2 coéquipiers puissent faire route ensemble est donc faisable, mais doit être exceptionnel.
Serions-nous dans les standards des arrivées sur les courses marathon de nos régions, et, simplement, allait-on avoir des oiseaux le soir même ? - les amateurs ayant essayé ce sens de vol, du nord vers le sud savent la difficulté de ce sens de « circulation »…
4 amateurs sur les 22 participants ont ‘touché’ un pigeon le soir même, soit 18 %, et rapporté au nombre de pigeons, nous arrivons à 9 % des oiseaux enlogés qui ont pu coucher dans leur case le soir même du lâcher. Pour des courses en lâcher commun avec, il est vrai, une moyenne de 100 km de plus, nos régions sont plutôt habituées à voir 1 % des pigeons arrivés le soir même. Nous pouvons en déduire que ce type de course n’est finalement pas si « risquée » que cela, et que, cet excitant challenge reste tout à fait réalisable.
7 amateurs (31 %) ont finalement fait prix, dont 5 à des distances très proche du point extrême de la course (843 km). Un seul amateur pour une distance proche de la médiane (744 km) et un seul proche du plus court point (645 km). Il semble peu probable que l’on puisse expliquer ceci par le fait que les ponts longs aient pu bénéficier d’une heure plus précoce de lâcher : le nombre modeste d’équipes libérées ne poussait pas à une heure très tardive pour les dernières équipes. La première équipe a été lâchée à 6h05 et la dernière à 7h50. Notons aussi que dans nos régions, les points longs sont habitués à faire des courses de plus longues amplitudes, ont des colonies plus étoffées, avec une sélection depuis des années sur les longues distances.
Géographiquement, nous retrouvons, sur le résultat, essentiellement des colonies de l’ouest (Charente-Maritime), également points arrières. Les 5 amateurs de ce groupement ayant engagé sont présents sur le résultat. 3 d’entre eux, dont le vainqueur, ont eu des voiliers le soir même.
Sur les 4 amateurs ayant 2 prix de leurs 2 engagés, 3 sont issus de ce groupement à nouveau. Un seul de l’est du rayon. Tout comme, nous allons le voir pour les voiliers, là aussi, l’expérience et la maturité des colonies payent. La masse n’a pas pu jouer en leur faveur sur cette épreuve.
Si nous regardons le résultat, parmi ces 4 pigeons arrivés le même jour, se trouvent 2 pigeons de 3 ans, un de 5 ans et un de 6 ans (le pigeon vainqueur). Parmi les pigeons qui ont pu faire prix (11 classés), nous retrouvons 5 pigeons de 3 ans (45 % des prix et 41 % des enlogés), 2 de 4 ans (18 % des prix et 16 % des enlogés), 3 de 5 ans (27 % des prix et 7 % des enlogés) et un de 6 ans (9 % des prix et 4,5 % des enlogés). Aucun pigeon de 2 ans et moins dans le résultat. Nous remarquons de suite que les pigeons plus âgés ont mieux tiré leur épingle du jeu. Ceci paraît logique sur une épreuve aussi sélective. Pour les pigeons de 3 et 4 ans, le pourcentage de « présents au résultat » est très proche de celui d’engagés. Les pigeons de 5 ans et plus s’en sortent le mieux avec quasiment un pourcentage de prix 4 fois supérieur au pourcentage d’engagés pour les 5 ans, et le double pour les 6 ans. Certes, le faible nombre d’unités enlève toute crédibilité statistique, mais les chiffres sont tout de même nets sur cette épreuve. Les pigeons de 2 ans qui représentaient 27 % des engagés ne sont pas présents dans les prix, tout comme les 4,5 % de yearlings. Un contre-la-montre, à ces distances tout au moins, semble faire la place belle à l’expérience, la maturité. Rappelons aussi que les pigeons avec moins d’expérience, ne peuvent pas ici se coller à un groupe de tête et faire prix tôt sans trop utiliser eux-mêmes la boussole. La route est aussi longue et parsemées d’embûches, et là aussi, l’expérience paie. Les vieux pigeons ont l’expérience, et ont passé déjà plusieurs années de sélection ; il s’agit donc de la crème, tous n’arrivent pas à 5 et 6 ans…
Les pigeons en haut du tableau étaient tous des pigeons ayant fait leurs preuves auparavant, il n’y a pas eu de bonne surprise, mais logiquement des confirmations de voiliers capables de « bien tomber » sur une course sélective. Ceci confirme le caractère spéciale de cette épreuve, un « suceur de roue » ne peut ici s’infiltrer dans le résultat, il s’agit de la course d’orientation par excellence, où la qualité intrinsèque de chaque oiseau est mise en exergue.
Epreuve contre-la-montre, une belle épreuve, une épreuve reine
Ce type d’épreuve est peu répandu dans notre sport.
D’un côté, il est vrai que la mise en place n’est pas si simple pour les organisateurs, et surtout, peut-être, vous ne pouvez faire miroiter un nombre conséquent de participants sur la feuille de résultat. Dans notre société très superficielle, ça fait moins bien sur la carte de visite, c’est vrai. Pourtant, quand on prend 5 minutes pour y réfléchir, n’est-ce pas là une épreuve magnifique, où la qualité seule de chaque oiseau lui permet de monter au résultat ? Ce type de course est aussi des plus équitables, car les grosses colonies ne sont ici pas plus avantagées par un nombre conséquent d’engagés. La masse ne peut non plus être préjudiciable à certains concurrents.
Il faut avoir vu ces voiliers s’élancer 2 par 2 à 7-800 kilomètres de leur bercail pour, je pense, goûter au caractère exceptionnel de ce type de course. Ce qu’ils ont fait ces pigeons ce jour-là, ce n’est quand même pas rien.
Certes, pour des régions aussi peu pourvues en épreuves que les nôtres, il est dommage de laisser des pigeons capables de concourir dans leur case alors qu’un transport fait le trajet vers un point de lâcher en Hollande, mais les colonies sont encore jeunes et les équipes bien peu étoffées pour l’instant ; et puis, quelle belle épreuve que celle-ci !
Il sera décidé lors de l’assemblée 2017 du Marathon Club du Grand Centre si 2018 verra à nouveau un contre-la-montre s’inscrire au calendrier des courses grand fond du centre France, mais il restera inscrit que nous l’avons fait, et que, 3 bonnes semaines avant les saisons précédentes, nous avons rêvé en attendant qu’une boule de plume fende l’air au-dessus de nos colombiers, après des centaines de kilomètres depuis le pays du pigeon marathon, la Hollande. J’espère avoir pu éveiller, par ce petit compte-rendu, un peu de curiosité et de bienveillance de votre part envers ce type de course. Peut-être, suite à notre expérience 2017, d’autres « contre-le-montre » verront le jour, loin du superficiel, de la grosse feuille de résultat, mais pour le plaisir du sport magnifique qu’est la course d’orientation de pigeons voyageurs.
Résultat
Le résultat, si l’on ne regarde que le nombre de participants ne fait pas vibrer peut-être (44 oiseaux), mais prenez une carte et regardez ce que ces oiseaux ont fait tout seul ce jour-ci. Prenez aussi le temps de vous sortir de la tête le folklore des chiffres des contingents internationaux auxquels nous n’avons pour la plupart pas accès. N’oubliez pas non plus que ces oiseaux ont fait le voyage du Nord vers le Sud, ceci fait une différence qui ne peut que nous faire apprécier l’effort produit par les voiliers présents sur la feuille de résultat ci-dessous.
Par soucis de facilitation pour le classificateur, les heures de lâcher ont été rapportées à une heure commune : 6h20. En fait les heures de lâcher se sont étalées de 6h05 à 7h50.
Récompenses :
1er Pouzet Franck : 1 trophée, 1 plaque de colombier, un chèque de 150 €
2ème Provost A. & D. : 1 plaque de colombier, 1 chèque de 100 €
3ème Pommereau Serge : 1 plaque de colombier, 1 chèque de 75 €
4ème, 5ème et 6ème, dans l’ordre : Chassagne D. & D., Métayer Patrick, Billaud Eric : un chèque de 50 €
Par tirage au sort des participants : un séjour ‘Wonderbox ‘ de 3 jours-2 nuits avec petit-déjeuner (pour 2 personnes ou en famille) : Escuriet Jean-Michel.
Félicitations à tous
David Chassagne, Juillet 2017